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CORRIDOR ELEPHANT

FAISEUSE D’HISTOIRES


8 mars, journée des droits des femmes. Le carton d’invitation « libre cours » pour le vernissage de l'exposition de Véronique Guionin est illustré d’une poupée Barbie dénudée dans les bras d’un ours en peluche multicolore. Hasard entre le thème et la date ? message ? provocation ?

Une belle adresse du 7ème arrondissement de Paris. Quelques volées de marches plus tard, la porte s’ouvre sur de magnifiques volumes, lumière traversante, jolies vues de part et d’autre.

La rencontre avec l’artiste est un moment de grâce ! Silhouette menue, visage auréolée de mèches blondes, une douceur qui vous enveloppe immédiatement. Elle remercie chacun et chacune d’être là, presque étonnée que tant de monde soit intéressé par son travail. Son sourire lumineux ne la quittera pas de la soirée.

C’est l’une de ses amies, Emmanuelle Dupuis qui la convainc de montrer ses œuvres. Emmanuelle sait que le succès sera au rendez-vous, elle connait bien le secteur art et culture. Elle y exerce des relations publiques.




« Barbie dévêtue devient un médium consentant dans des mises en scènes minimalistes associées à des objets récupérés »


Attirance immédiate pour les « Barbie girls » qui ont pris place un peu partout dans l’appartement mais essentiellement dans la pièce principale. Elles peuvent jeter un coup d’œil par les immenses vitres propres aux ateliers d’artistes.

Chacune raconte une histoire et toutes envoient des messages, affichent leurs fantasmes, leurs déboires mais, en aucun cas, ne véhiculent l’image attachée à cette poupée née le 9 mars 1959. La volonté de Véronique dans la création de ces installations était, en premier lieu, de prolonger un lien avec une amie très chère qui adorait les Barbie. La peine violente de sa disparition a déclenché chez l’artiste un besoin d’aborder les thèmes de notre époque avec l’humour et la légèreté de ces icônes non réelles. De nombreuses poupées vont quitter greniers et brocantes pour une seconde vie sous son regard libre et bienveillant.

Toutes ces installations, décalées et espiègles expriment la sensibilité de Véronique enrichie de ses expériences, de son regard aiguisé sur le monde, de sa créativité. Son regard un tantinet amusé pétille davantage en recueillant les interprétations de chacun, en échangeant sur tous les thèmes abordés, des plus légers comme la sensualité, l’érotisme, aux plus « sérieux » comme la colère, la violence, l’interdit ou la culpabilité.


Ainsi la liberté avec Barbie chevauchant deux cochons roses « Jules et Jim », un trio qui fonctionne. Elle semble mener mais se laisse embarquer aussi. Les cochons sont peut-être, dans cet attelage masculin-féminin, les compagnons inattendus mais rêvés d’une femme libre ».

Ou encore, la maternité, avec ces trois Barbie assises sur un banc « Le devoir de mère, difficile à remplir, multiple, soumis à des impératifs écrits dans la pierre… Mais posons-nous la question de notre intime rapport à ce monde de la maternité. Autorisons-nous à ne pas être parfaites ni faites pour le rôle… »

Mais aussi, le symbole du mariage avec Barbie, nue couchée sur une boite transparente qui contient une robe de mariée « Robe blanche. Espérée, rejetée, rêvée, oubliée… Est-elle pour la poupée, un rêve accessible ou non, un souvenir, l’illustration d’une image d’Épinal, le symbole d’une perte intime ou le soulagement de voir mise en boîte celle dont elle ne rêve pas du tout ? »


« Terre découpée, séchée, je l’aime sous toutes ses formes. À travers le cycle humain qui va de la construction au retour à la poussière, la brique est familière et chaude, solide et vulnérable »


Poursuivons. Autre pièce, autres œuvres, autre univers. Mais la sensibilité et la liberté sont comme un fil conducteur. Après une pause choisie, Véronique s’isole en Auvergne pendant le confinement. La nature, matin, midi et soir. Le calme et l’observation comme compagnons. Elle touche la terre, en a besoin. Cette matière vivante la ressource.

Vont sortir de son imaginaire des arbres en terre, des figurines-soldats amenant à réfléchir sur les liens réciproques entre l’homme et le végétal. Une série de briques sur lesquelles des brindilles ne demandent qu’à s’épanouir.


« C’est le temps étiré de la broderie. Le fil d’or tourne encore et encore autour des nervures du corail »

Quelques marches pour accéder à la mezzanine. Une petite pièce, plongée dans le presque noir pour mettre en valeur l’infinie délicatesse de gorgones tissées d’or. Retour de confinement, à Paris. Véronique retrouve ces coraux rapportés du Mexique, il y a plus de 15 ans. Leur redonner vie, les habiller d’éclat. Les broder ? oui, de fils d’or. Un travail de dentellière, un retour au temps long. Il n’y a pas d’autre option ! La finesse de ces fils de soie recouverts d’or qu’elle achète aux Etats-Unis essentiellement, nécessite une patience redoutable. Parfois l’or se sépare du fils de soie et provoque des irrégularités qui représentent les petits accidents de la vie.

Trois séries d’œuvres qui nous révèlent un petit peu de Véronique mais finalement cette discrète qui parle aussi avec les mains ne se livrera jamais complètement. Le mystère est sa marque de fabrique. On attend avec impatience ses prochaines créations pour continuer de lever le voile sur cette artiste trop longtemps cachée.




En savoir plus :

Instagram : @veroguionin


Photographies : ©Arthur MD

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