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VELOURS

Catherine Raspail

Ta peau. Ma peau. Fine couche fragile, film enveloppant, armure ou cachette.
Les mains glissent dérivent à l’infini, réchauffent le glacis, se noient dans la douceur. Surface chatoyante, miroir des ombres et de la lumière.
Pilou humain, rivière où se perdre, lisse étendue où les frontières s’estompent, chaleur d’un soir, fraîcheur d’un matin.

Bourgeon. Chaton. Drageon. Bouton. Inflorescence souple du commencement. Épi si doux, porteur de pollens confiés au vent. Fleur soyeuse, gris argenté, légère et souple, s’échappant au moindre souffle d’air. Caresse sur la joue, esquisse d’un sourire.

Vibration subtile et frêle de tes cordes. Souffle d’une voix chuchotée à l’oreille. Intonation cassée et fragile à la fois. Son chaud, vibrato enveloppant. Air pulsé, mouvant, développant ses notes de cannelle, de muscade, de piment et de sucre inverti. Langue chaude explorant tous les lieux, foulard câlin jouant avec le vent, fracture céleste de tabac et de miel, ta voix danse, coule, s’insinue dans chaque interstice, s’approche du silence, osant le presque rien sur un air de zéphyr.
Effleure mon oreille, réchauffe mon âme, susurre-moi le printemps, rouge.

Voilage lourd et penché. Sang versé, rivières écarlates. Tentures pesantes au frôlement délicieux.
Couleur impériale, profondeur du pourpre, plis cossus du flux au théâtre.
Coussins caresse, garance roulée sous les doigts. Vagues voluptueuses, peluches jetées sur canapé où l’œil accroche les nuances câlines du vert, du bleu, du jaune ou du rouge profond.

Velours, sirène attirante où le corps s’enfonce, se perd. Tu aguiches notre œil, lui crée un passage.
Velours, tu provoques la main qui, imperceptiblement, se tend vers toi. Tu joues de tous nos sens, nous berces et nous aimantes. Ouatée, ta musique ensorcelle. Sans méfiance, nous glissons, bientôt absorbés, dissous.
Le velours a parlé.

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