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RUPTURE

Dunia Ambatlle

Ailes déchirées. Rupture.
Les draps soyeux que nous pensions tenir entre nos mains, qui enveloppaient nos corps les soirs alanguis de haute lutte, ces draps vont se découdre peu à peu, point après point, laissant le vide entre nos poings serrés.
La Rupture revêt la couleur blanche des voiles encore déployées mais déjà rongées par le sel de la mélancolie, des accalmies et des ports toujours trop paisibles. Elles retomberont lentement sur le pont du navire déserté. Quelques bouillonnements dans l’eau, si peu, à peine perceptibles, chantent comme des sirènes indifférentes, le souvenir de ce qui fut. L’éternité ne nous appartient pas, passants, errants et lucioles d’une nuit. Et pourtant…
La Rupture est aussi l’espoir d’un renouveau, le rebondissement d’une existence. Courageux celui qui quitte son passé en miettes pour trouver le levain du pain nouveau ? Intrépide celui qui joue au jeu du néant quittant la chaleur pour le vide ? Mais la surprise est là derrière la déchirure, peut-être. Que l’on subisse la cassure ou qu’on en soit l’instigateur, demeurer seul n’est pas synonyme de solitude.
La Rupture peut être une chance. Celle de s’offrir plusieurs vies en une unique existence. C’est la richesse inouïe de ceux qui ont osé comme de ceux qui ont souffert. Le regret est inutile lorsque le linge qui éponge nos pleurs garde l’empreinte indélébile d’un sourire à venir. Les buissons auxquels s’accrochent les pans de ta tunique vont te dénuder du poids des souvenirs et tu pourras enfin décider ou te taire. Le silence, l’invisibilité, peuvent aussi être un choix. Heureux celui dont le mutisme s’avère créatif.
La nuit, au creux de ton lit, à peine tiède, tu entends le craquement sourd du naufrage. Mais le bruit s’éloigne et l’aube te montre un merle blanc aux ailes abîmées qui vole cependant vers des mains qui se tendent.
Ailes déchirées. Rupture
Une bouteille à la mer que la vie te propose. La briser ou l’ouvrir ? Pourquoi ne pas en saisir le message ? Souvent incompréhensible certes, mais il suffit d’un effort. Garde-le. Et malgré tout, souviens-toi.

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