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LE RÊVE DU NOIR

Laetitia Bischoff

Le rêve du noir, dormir au fond d’une matière
Pour les photographies de Michel Handschumacher.

Le noir se rêve cœur, roche, milieu, aiguille, sillon. Dormir au fond d’une matière, se faire branche, feuille, pli, verre, si seulement c’eût été possible. Se courber au creux d’une tige et oublier les contours du papier, comme un velours. Se déchausser de tout revers, enchanter la scène de l’image et non garantir sa survie. Ambivalent, le noir est empêtré dans une identité qu’il n’a pas choisie, comme seul peut l’être un plein comblé à qui l’on a assigné le rôle de nous parler du vide. Voici le vœu du noir. Choisir ses chemins, n’est-ce pas cela dont il s’agit ?

Le grand Nord lui sied, il enrubanne les plaines, cisaille la neige, brode. C’est même sa dentelle que le photographe vient chasser. Bardée de nuages, sa présence devient plus aiguë, le baryton change de gamme. Une parcelle, ciel de nuit, se faufile en grains dans nos petits bruits et sur la surface de nos menus objets du jour. En superposition, en lignes floutées, derrière le creux d’un coin de cuisine, buvant une matière dont le nom semble perdu, le noir s’est fait encore un peu plus petit, plus secret lorsque lui aussi, comparse de l’humain, fut confiné. Il vibre encapsulé, mais il vibre toujours, se moire aussi.
Il ne s’étire que rarement en pointe, couleur chaude qu’il est resté en photographie. Loin de la peinture, au fil des prises de vue et des tirages, il aiguise sa rondeur tout en faisant de l’astronomie sa science.

Ainsi j’ai sondé les aspirations du noir, et je me suis faite pour lui ventriloque, dans les photographies de Michel Handschumacher.

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