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CUBISME CINÉMATOPHOTOGRAPHIQUE

Georges Dumas

Au cœur de la démarche cubiste, il y avait la volonté de représenter dans une même œuvre, tableau ou sculpture, un sujet considéré sous plusieurs angles simultanés : face, profil, trois-quarts, tout devait cohabiter dans un objet synthétique qui abandonnait par nature tout prétention à la vraisemblance et l’imitation réaliste. D’où ces portraits étranges de Picasso par exemple, où la moitié du visage semble insulter l’autre dans un ensemble difforme créant une nouvelle forme immédiatement reconnaissable.

À plusieurs égards, les sculptures photographiques de Brno Del Zou reposent sur ces mêmes principes cubistes, avec une recherche de représentation d’un sujet qui soit à la fois synthétique et multiple dans les angles adoptés, aboutissant à des œuvres qu’on peut immanquablement identifier comme étant les siennes. Sauf que le médium de Brno Del Zou n’est ni la peinture ni la sculpture, mais la photographie, une photographie envisagée avec un regard de cinéaste. En effet, s’il avait voulu respecter strictement la nature plane de son médium pour construire ses portraits, l’artiste aurait procédé à des collages numériques sur ordinateur et assemblé des clichés du même sujet pris sous différents angles pour construire une image synthétique unique, présentée comme une photographie manipulée. Or, ce n’est pas le choix qu’il a adopté.

Brno Del Zou a préféré endosser l’habit du réalisateur et aborder ses sujets, essentiellement des nus et des portraits, comme autant de scènes à découper en plans cinématographiques, pour saisir tel détail, mettre l’accent sur telle expression, adopter telle distance, avant de restituer le tout dans un ensemble éclaté où l’œil du spectateur ne peut pas tout saisir en une seule fois mais doit, comme au cinéma, faire défiler les différentes images pour comprendre ce qu’il a sous les yeux. De par la mise en espace et en volume qui en résulte, il n’est pas exagéré de parler de sculpture, même s’il s’agit d’une juxtaposition de plans photographiques qui maintient l’œuvre dans un univers essentiellement bidimensionnel.

À la diffraction synthétique du cubisme originel, Brno Del Zou répond par un éclatement spatial qui fait sortir ses œuvres du cadre : ramassé ou en expansion, cet éclatement contraint le spectateur à avoir un regard actif afin de relier entre elles les différentes séquences données à voir. La mise en espace donne des portraits mouvants et des nus dynamiques impossibles à oublier.

Brno Del Zou présentera plusieurs de ses photosculptures lors de la Biennale Internationale de Photographie Nicéphore+ dont Corridor Eléphant est partenaire. L’édition 2022, qui se tiendra à Clermont Ferrand du 8 au 29 octobre, a pour thème : « Le Corps fragmenté ».

Pour plus d’information : https://www.festivalphoto-nicephore.com/

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