TROGNES
UN LIVRE DE WANDA SKONIECZNY
ÉDITION NUMÉROTÉE DISPONIBLE EN PRÉACHAT À PARTIR DU 25 AOÛT 2025

TROGNES
ÉDITION LIMITÉE, NUMÉROTÉE & SIGNÉE PAR LA PHOTOGRAPHE
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Corridor Éléphant Éditions propose depuis dix ans des livres d’artistes émergents en édition de collection, limitée, numérotée et signée.
Le livre de Wanda Skonieczny est disponible en édition de collection, numérotée, imprimée sur un papier 170 g, avec une couverture pelliculée mate 400 g.
Format 21 x 15 cm. 82 pages. 37 photographies.
L'édition de collection est imprimée en France et envoyée par nos soins dans un très beau papier de soie bleu cacheté.
Afin de permettre d'imprimer le plus grand nombre d'exemplaires en édition de collection, nous vous proposons des lots composés du livre et de tirages de photographies extraites du livre. Acquérir le livre en édition limitée, c’est acquérir un objet unique faisant lien avec l'auteure.
Bien davantage qu’un travail photographique, Trognes est une œuvre dont la justesse met en exergue l’équilibre fragile du monde qu’elle donne à voir. Ici, l’homme se fond dans une nature qui murmure la possible éternité renouvelée. Cet équilibre offert au regard du lecteur fait écho, comme pour mieux rendre hommage, à des citations de Colette. Qui d’autre mieux qu’une femme libre pouvait écrire Gaïa sans jamais la nommer ?
L’éditeur
TROGNES (EXTRAIT)
L'INTERVIEW DE WANDA SKONIECZNY
Depuis combien de temps travaillez-vous sur les « trognes » ? Comment vous est venue l’idée ? Pourquoi y avoir associé Colette ?
J’ai entamé ce projet sur les arbres émondés il y a trois ans. Je travaille dans la lenteur, avec des temps de gestation longs, au minimum deux ans. Je venais alors de m’installer à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le village natal de Colette. J’effectuais une résidence dans sa maison et plus particulièrement dans son jardin, que je photographiais en nocturne et à l’aube, loin des regards.
Fascinée par ses mots et sa description de la nature, elle est devenue mon guide pour comprendre cette nouvelle terre d’accueil. Comme elle, j’ai voulu passer le muret de la maison pour aller vers les bois environnants. Je cherchais alors à réaliser des portraits d’arbres blessés et me relier aux êtres. C’est alors que j'ai rencontré Hugues Barrey, vice-président du Centre Permanent de Protection pour l’Environnement (CPIE).
Il a pris le relais et m’a simultanément fait découvrir ces arbres caractéristiques en Puisaye et mis en lien avec des figures locales. Chacun choisissait sa trogne. Avec ce projet, j’ai pu prendre conscience de l’importance du patrimoine paysan pour l’environnement. Cela a ouvert à une nouvelle voie ma démarche impliquée désormais vers l’art et le vivant.
« Pour des desseins innocents, pour une liberté qu'on ne nous refusait pas, nous sautions la grille, quittions les chaussures, empruntant pour le retour une échelle inutile, le mur bas d'un voisin. »
Dans les bois de Saint-Sauveur [Claudine à l'école]
« Le charme, le délice de ce pays fait de collines et de vallées si étroites que quelques-unes sont des ravins, c'est les bois, les bois profonds et envahisseurs, qui moutonnent et ondulent jusque là-bas, aussi loin qu'on peut voir... Des prés verts les trouent par places, de petites cultures aussi, pas grand-chose, les bois superbes dévorant tout. De sorte que cette belle contrée est affreusement pauvre, avec ses quelques fermes disséminées, peu nombreuses, juste ce qu'il faut de toits rouges pour faire valoir le vert velouté des bois.
Chers bois ! Je les connais tous ; je les ai battus si souvent. Il y a les bois-taillis, des arbustes qui vous agrippent méchamment la figure au passage, ceux-là sont pleins de soleil, de fraises, de muguet, et aussi de serpents. J'y ai tressailli de frayeurs suffocantes à voir glisser devant mes pieds ces atroces petits corps lisses et froids ; vingt fois je me suis arrêtée, haletante, en trouvant sous ma main, près de la "passe-rose", une couleuvre bien sage, roulée en colimaçon régulièrement, sa tête en dessus, ses petits yeux dorés me regardant ; ce n'était pas dangereux, mais quelles terreurs ! Tant pis, je finis toujours par y retourner seule ou avec des camarades ; plutôt seule, parce que ces petites grandes filles m'agacent, ça a peur de se déchirer aux ronces, ça a peur des petites bêtes, des chenilles velues et des araignées des bruyères, si jolies, rondes et roses comme des perles, ça crie, c'est fatigué, – insupportables enfin.
Et puis il y a mes préférés, les grands bois qui ont seize et vingt ans, ça me saigne le cœur d'en voir couper un ; pas broussailleux, ceux-là, des arbres comme des colonnes, des sentiers étroits, où il fait presque nuit à midi, où la voix et les pas sonnent d'une façon inquiétante. Dieu, que je les aime ! Je m'y sens tellement seule, les yeux perdus loin entre les arbres, dans le jour vert et mystérieux, à la fois délicieusement tranquille et un peu anxieuse, à cause de la solitude et de l'obscurité vague... Pas de petites bêtes, dans ces grands bois, ni de hautes herbes, un sol battu, tour à tour sec, sonore, ou mou à cause des sources ; des lapins à derrière blanc les traversent ; des chevreuils peureux dont on ne fait que deviner le passage, tant ils courent vite ; de grands faisans lourds, rouges, dorés ; des sangliers (je n'en ai pas vu) ; des loups – j'en ai entendu un, au commencement de l'hiver, pendant que je ramassais des faines, ces bonnes petites faines huileuses qui grattent la gorge et font tousser. Quelquefois des pluies d'orage vous surprennent dans ces grands bois-là ; on se blottit sous un chêne plus épais que les autres, et, sans rien dire, on écoute la pluie crépiter là-haut comme sur un toit, bien à l'abri, pour ne sortir de ces profondeurs que tout éblouie et dépaysée, mal à l'aise au grand jour.
Et les sapinières ! Peu profondes, elles, et peu mystérieuses, je les aime pour leur odeur, pour les bruyères roses et violettes qui poussent dessous, et pour leur chant sous le vent. Avant d'y arriver, on traverse des futaies serrées, et, tout à coup, on a la surprise délicieuse de déboucher au bord d'un étang, un étang lisse et profond, enclos de tous côtés par les bois, si loin de toutes choses ! Les sapins poussent dans une espèce d'île au milieu ; il faut passer bravement à cheval sur un tronc déraciné qui rejoint les deux rives. Sous les sapins, on allume du feu, même en été, parce que c'est défendu ; on y cuit n'importe quoi, une pomme, une poire, une pomme de terre volée dans un champ, du pain bis faute d'autre chose ; ça sent la fumée amère et la résine, c'est abominable, c'est exquis.
J'ai vécu dans ces bois dix années de vagabondages éperdus, de conquêtes et de découvertes ; le jour où il me faudra les quitter j'aurai un gros chagrin. »
Ce livre présente la partie photographique de la série, mais ce travail est protéiforme et multidisciplinaire. Pourriez-vous nous présenter votre démarche et les différents médiums utilisés ?
Effectivement, je trogne la photographie. Je l’efface et l’ouvre pour la recomposer ensuite à la mine de plomb ou à la pierre noire. Elle est pour moi une graine, que je fais germer par le dessin, en ramifications débordantes se prolongeant hors du cadre. Fascinée par le détail, les photographies basculent de la miniature aux agrandissements parfois monumentaux, pour épouser les lieux échelle 1 et faire corps avec eux.
Dans ces jeux d’installation invitant à faire du lien, je prolonge et pousse la photographie à sortir du cadre, dans des suites graphiques intemporelles. Cela a toujours été, je cherche à creuser l’image pour aller au-delà des couches superficielles. Le choix des sujets et des supports est très important pour cela. Les photographies peuvent être tirées sur bois ou en piezo, elles ne sont jamais glacées, prenant l’aspect de la cendre, de morceaux de bois charbonneux ou parfois de la gravure. C’est une relation particulière ; avec la photographie, j’aime prolonger les instants dans ces traitements.
Que souhaitez-vous transmettre à travers cet ouvrage ?
Ralentir la course du temps et créer une zone d’apaisement. Une parenthèse. Par ailleurs, j’aspire à un retour à l’authenticité. J’espère ici relier au vivant, en questionnant notre place et notre rôle aujourd’hui face à la nature. Personnellement je trouve que l’art contemporain n’évoque que trop peu les sujets liés à la ruralité et au monde paysan.
Cet ouvrage cherche à faire redécouvrir ces arbres à « têtes rondes » comme le disait Colette et je fais le vœu qu’avec ses mots, elle nous fasse « regarder » autrement en guidant notre regard vers le haut, dans un message d’espoir et de persévérance.
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