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FABIENNE PERCHERON

Je vis et travaille dans le Sud-Ouest de la France. J’ai 56 ans et j’ai toujours pratiqué la photographie. Je montre mon travail depuis 6 ans, date à laquelle j’ai fait évoluer ma vie professionnelle pour consacrer davantage de temps à ma pratique.
Mon travail photographique, argentique puis numérique, est aujourd’hui hybride. Depuis quelques temps, le confinement étant passé par nos vies, j’ai repris le travail du laboratoire photo et j’ai ressenti le besoin de travailler la matière pour une création où l’œuvre se révèle d’une manière artisanale et unique.
Les photographies que je produis aujourd’hui sont le fruit d’un travail d’alchimie : des tirages argentiques sur lesquels j’ai pratiqué un mordançage. Le tirage plongé dans un « bain céleste » comme le nommait le photographe Jean-Pierre Sudre, réagit et se transforme.
J’explore ce matériau, guide le processus à coups d’interventions, avec mon souffle, un pinceau, un mouvement d’eau. L’œuvre se construit de façon expérimentale.
La matière se transforme, la métamorphose offre une nouvelle interprétation du paysage, nous fait perdre nos repères et nous amène à faire un pas de côté pour un voyage imaginaire.
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Cosmogonies
Cette série de photographies a été réalisée dans les Pyrénées occidentales. Là où existaient des glaciers, se dévoile un paysage de roches calcaires, strié et fissuré. Un mélange d’aridité et de formes géométriques qui évoque des étendues lunaires.
La vie semble s’être retirée. Seuls de rares animaux apparaissent parfois sur une crête. De maigres vols d’oiseau passent dans le ciel.
Les images de ce matériau naturel, propice aux divagations de l’imagination, sont travaillées selon la technique du mordançage. Le tirage argentique est plongé dans « un bain céleste », comme l’appelait le photographe Jean-Pierre Sudre.
 Fabienne Percheron crée ici une œuvre expérimentale. Elle travaille à la manière d’un sculpteur. Elle guide le processus de transformation avec son souffle, avec la touche d’un pinceau, un mouvement d’eau. La matière réagit, se contorsionne avant de se figer. Courbes et coulures. Voiles et rayures. L’aléatoire de la chimie réécrit le paysage initial et révèle ce qui n’était pas prévu. Des lignes s’entrecroisent comme des fils jetés au vent. Une étrangeté se superpose à l’étrangeté. La montagne se drape d’une seconde peau. Elle devient autre.
Les photos de cette série nous tendent un miroir où se reflète un monde soumis aux effets du changement climatique. La nature se trouve enveloppée, comme emballée dans ces bâches géantes que l’homme déploie réellement sur des glaciers pour les protéger du rayonnement solaire, dans ce qui s’apparente à un geste désespéré de « technosolutionnisme ».
Une grande fragilité surgit de ces tirages. Les imposants volumes de roche granitique, massifs et immuables, sont comme des lambeaux de toile, comme des voiles translucides que pourrait déchirer le moindre accroc, que pourrait justement brûler la moindre piqûre du soleil, devenu délétère.
Dans un renversement inattendu, c’est aussi une forme de vie organique qui remonte à la surface du papier sous les effets du mordançage. La houle de pierres du relief pyrénéen se transmue en banc de micro-organismes. Dans ce mouvement qui est également un bouleversement d’échelle, le géant devient microscopique, le minéral devient protozoaire. Des arbres, dont les houppiers se détachent dans le vide, forment de la même façon des amas cellulaires. Des nuages, comme des organismes primitifs, flottent littéralement à la surface du ciel. Des cosmogonies naissent sous nos yeux.
Vincent Faugère.

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