DEBORAH COLLOC

Déborah Colloc est née à Lyon en 1981, où elle vit et travaille. Formée à BLOO, école de photographie et d’images à Lyon, elle pratique la photographie depuis 2019 après des études en lettres modernes et médiation culturelle. Elle est également musicienne dans plusieurs formations du milieu alternatif punk-rock.
Son travail approche les questions sociologiques par le prisme d’un langage romantique, sombre, faisant place à “l’inquiétante étrangeté”. Elle s’intéresse aux thèmes de la famille, de la disparition, de la métamorphose, de la solitude ou encore de l’énigme qui affleure dans le quotidien.
Dans un noir et blanc onirique, son travail aborde la transmission familiale au sein de lignées de femmes. Nourrie par des lectures telles qu'Annie Ernaux et particulièrement Mémoire de fille, Une femme, d'Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent, ou encore de Daphné du Maurier, Rebecca, elle affectionne les décalages et glissements entre espace réel et mental. Ses explorations cinématographiques se situent à cette frontière, avec les œuvres d’Ingmar Bergman, Persona, Cris et chuchotements, de Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu, ou encore d'Harry Kümel, Les Lèvres rouges. Dans ce dernier film, Delphine Seyrig, figure majeure féministe de l’époque, incarne la comtesse Bathory et ses légendes, la transposant en vampire et créant un personnage féminin complexe et troublant.
Elle a suivi en 2022 un workshop à Arles avec Antoine d’Agata qui a été un déclencheur pour sa pratique, puis a poursuivi en 2023 pendant un an avec la masterclass Milk à Paris, dispensée par Sabrina Biancuzzi et Ljubisa Danilovic. En 2024, elle s’inscrit au mentorat de Marine Lanier pour approfondir sa démarche.
En 2019, elle a exposé une série intitulée Seul au milieu des autres à la Luttine à Lyon et a édité un recueil autoproduit de photographies réalisées au Japon.
Elle a également participé à l’exposition collective AUTRES MONDES qui a eu lieu à Bloo Galerie, à Lyon, en 2021 avec la série La Part du rêve. En janvier 2025, elle participe à une exposition collective à Grrrnd Zero, à Vaulx-en-Velin.

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Les Garantes
Je reste seule dans cette maison silencieuse. Figée dans le temps. Au milieu de la pièce aux rideaux tirés, trône le vieux meuble à argenterie de ma mère. On y a placé un napperon en dentelle fine. Deux chandeliers encadrent un vase bleu, qui accueille un bouquet de fausses fleurs décolorées par les années.
Effrayée par ces images gelées, je monte à l’étage, je fais couler un bain, afin d’atténuer mon désarroi et mon ennui. Je forme le vœu de pouvoir m’enfuir sur ces hauteurs venteuses, ces falaises tourmentées, ces landes sauvages telle l’héroïne, Catherine, dans le roman d’Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent, plutôt que de rester enfermée dans cette maison délétère, dans l’attente que quelque chose advienne pour me libérer. J’entends un air joué au piano qui monte du salon rouge, au rez-de-chaussée.
D’aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été empêchée par les codes, les préceptes transmis par mon éducation, gérée par les femmes de la famille, de génération en génération. J’ai intériorisé ces normes visant à me maintenir à ma place, la place qui me revient en tant que Fille discrète, sage, docile, entourée d’images pieuses, admonestée par des règles morales. Je fais partie de ces milliers à vouloir prendre un nouveau souffle — crier que leur monde n’est pas celui qu’on a décidé pour elles.
Cette série intitulée Les Garantes, initiée en 2023, questionne la lignée, la transmission entre femmes sur plusieurs générations, en mettant en parallèle des espaces clos et sauvages. Des images de la maison d’enfance située près de Vichy se mêlent aux paysages des landes, lochs et montagnes de la région de Torridon dans les Highlands en Écosse. Magie et mystère règnent dans ces univers qui trouvent un écho, l’un dans l’autre, à travers les paysages, les brouillards, les légendes qui peuplent ces lieux.