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LA NOUVELLE REVUE DE CORRIDOR ELEPHANT
ANOUCK EVERAERE
Habitée par la photographie dès son plus jeune âge, Anouck Everaere grandit dans une « ville nouvelle » et saisit la mélancolie d’un quotidien vécu au sein d’un lotissement, entre une zone industrielle, la prison et des HLM. L’année 2016, à l’École de photographie et de l’image Bloo, lui apporte une approche documentaire sensible. Sa pratique découle d’une immersion sur le long terme, l’amenant régulièrement à aller à la rencontre de personnes considérées comme en marge ou sous-représentées dans nos sociétés, et à s’imprégner de leur monde.
Elle expose à Paris Zone mixte au consulat Voltaire (2022), O aux Rencontres de la jeune photographie internationale à Niort (2022), L’heure des comptes au Festival Résonances, Studio Citygate à Bruxelles (2019), Incarnées, dans le cadre du Festival International du Documentaire Émergent (2018). Depuis 2017, elle travaille à l’École Documentaire de Lussas. En 2022, Anouck Everaere est sélectionnée une seconde fois pour une résidence CLEA dans les Hauts-de-France soutenue par la DRAC.
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Entremêlées
Depuis janvier 2021, j’accompagne les Ovalines d’Aubenas. Pour être plus précise, il s’agit d’un rassemblement Rod-Ovalines, Aubenas-Donzère, une alliance de territoire permettant de comptabiliser assez de joueuses pour former une équipe. Elles jouent au rugby à 10.
Je suis touchée par ce groupe de femmes qui se battent pour jouer. Si je parle de combat c’est parce que c’en est un à plusieurs niveaux ; dans ce territoire dit rural, c’est le seul club féminin en sud Ardèche. Certaines font plus d’une heure de route pour venir jouer. Il est difficile de construire une équipe faute de membres, le terrain le plus dégradé est toujours réservé aux femmes et ne possède même pas de poteaux, uniquement des cages de foot. Les réflexions sexistes régulières des gérants de clubs voisins alimentent une défiance et une mise à l’écart des Ovalines.
Mais dans ce monde de femmes, de copines comme elles s’appellent, les injonctions disparaissent et le plaisir du jeu et d’être ensemble remplit tout. Après deux ans sans match, la saison a été une vraie délivrance.
Je cherche longtemps ma place dans le groupe, j’aime observer leur sororité et leur affection, je n’ai pas envie d’être trop présente. Mais petit à petit je m’approche, je n’ai pas d’autres choix car elles m’attirent dans le groupe, les regards vers l’objectif sont courants, accompagnés de grands sourires.
La question de l’intimité s’est très vite posée, s’est même imposée tant j’en étais émue.
Le hors-champ prend alors de plus en plus de place, les matchs, les victoires, les défaites sont autant de motifs auxquels s’ajoutent les temps festifs, l’après entraînement, les temps plus calmes et plus doux.
Ces temps de connexions sont finalement les plus forts. Entremêlées c’est le mot qui rend intelligible ce lien entre elles, c’est aussi la représentation de ces temps hors de la compétition.
La série se déploie dans le temps, mon regard s’aiguise et je saisis toujours un peu plus le poids des stéréotypes, l’importance des entraînements, la nécessité de créer une cohésion.
Des chapitres se dessinent et s’imbriquent tels des poupées russes pour donner à voir ce petit monde de femmes, pour qui il est nécessaire de jouer.
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