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LES ROYAUMES D'OTHONIEL

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Michel Othoniel sait que tout jardin est une « illusion ». Il en évoque la sensualité à travers les âges. Il le revisite, le réinvente dans une tendresse qu'avait déjà imaginé le grand architecte paysagiste Yves Brunier qui en a renouvelé la sensualité par, entre autres, le choix de végétaux particuliers.

Le créateur fait du jardin un lieu attirant et inquiétant, fascinant et repoussant, de plaisir et de connaissance, diaphane sous les voutes du lieu.  Il y a là d'immenses colliers de perles baroques dans une monochromie qui répond à l'architecture du Petit Palais et sa peau offerte aux temps.

Hors du jardin et des miroirs, Othoniel entraîne  en traversant les collections qu'il laisse telles quelles - vers les « couronnes de la nuit » sous la coupole du lieu qui n'a jamais été terminée. Elle peut être associée à « La reine de la nuit » de Mozart donc à l'opéra pour évoquer un spectacle total.

Se crée, au-dessus de l'escalier, un autre émerveillement. Cette couronne gigantesque d'une demi-tonne trône avec en son cœur une « affolante » qui a l'origine est là pour que les oiseaux ne soient jamais en paix.

L'artiste répond à l'ornement du début du XXème siècle par des aspects tortueux et avancés qui le dépassent. Un tel art se dégage de la problématique ornement-art contemporain. Loin de toute superficialité, le créateur accorde au décoratif une expression particulière créatrice de beauté qui n'a rien de l'anecdote ou de la variété.

Passant du minimalisme à des formes plus riches, Othoniel réconcilie les contraires. Il relie Carl André à un formalisme coloré par une transgression à la Sol Lewitt. Il s'agit de réenchanter l'art le plus nu avec une forme de naïveté à travers des briques bleues ou des cubes bicolores.

Rigueur et couleurs créent des déclinaisons de formes qui ponctuent le lieu sous forme d'autels d'un chemin de croix très particulier où les briques sont en verre de manière mystérieuse dans leurs jeux de scintillements. 

L'artiste retrouve au musée un monde que le spectateur ne s'attend pas à trouver. Entre autres une suite de nœuds lacaniens, que l'artiste a transformés en sculptures, et qui renvoie autant aux mathématiques de la « théorie des reflets » qu'aux  nœuds borroméens de Dürer pour évoquer la force de l'art dans un lieu qui fut le temple de l'industrie et qui devient celui du merveilleux.

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