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AU SEUIL DE L’AILLEURS AVEC JUSTINE BOUGEROL

Marie-Laure Desjardins

« On rêve avant de contempler. Avant d’être un spectacle conscient, tout paysage est une expérience onirique. On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu’on a d’abord vus en rêve. » C’est avec ces quelques phrases de Gaston Bachelard, tirées de L’eau et les rêves, que Justine Bougerol introduit Quelques lueurs, sa troisième exposition personnelle, actuellement à l’affiche de la Maison d’Art Actuel des Chartreux (MAAC), à Bruxelles. A cette occasion, ArtsHebdoMédias a posé quelques questions à celle dont l’œuvre entre en relation quasi symbiotique avec certains écrits de poésie ou traitements cinématographiques de l’image. La jeune artiste nous entraîne dans des paysages révélés par la lumière mais où l’eau et le feu jouent aussi un rôle primordial. Avec une force douce et un sens du beau, elle rend hommage, tant à Yves Bonnefoy qu’à Andreï Tarkovski, ouvre des chemins à l’intérieur des montagnes et de nous-mêmes.


Parlez-nous du titre de votre exposition.

Le titre est une référence au poème Les Matinaux de René Char, où il est écrit : « Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière ». Ces mots ont tout de suite fait écho à ma démarche. Dans mon travail, la lueur fait émerger la lumière, nous autorise à la pénétrer et par extrapolation engendre le coloré. Si des lueurs sont visibles dans plusieurs de mes propositions, passées et actuelles, il n’en va pas de même pour la couleur. Dans L’autre rive, la dernière installation de l’exposition, un point lumineux appelle le regard et se transforme en un ciel coloré où le soleil toujours invisible se couche et se lève, où la lune apparaît comme un élément de compréhension de ce qui est montré. Le soleil crée des couleurs incroyablement poétiques, parfois douces et chaleureuses, parfois brûlantes. Là où Char écrit « pour faire de la bonne lumière », j’entends aujourd’hui « pour faire de la belle couleur ». Il m’a fallu du temps pour parvenir à la montrer.


Jusqu’à présent vous aviez plutôt tendance à travailler le noir et le blanc.

Effectivement, même s’il y avait aussi des nuances de bleu à cause de la lumière du jour et parfois du sfumato pour matérialiser des horizons brumeux de montagne. Dans les installations les plus récentes, j’étais revenue à des formes plus conceptuelles, plus froides, pour appeler le regard sans révéler l’au-delà de l’ouverture. Pour Quelques lueurs, j’ouvre sur les couleurs pour partager un ressenti très intime. Cet horizon coloré correspond pour moi à l’endroit où se trouvent nos morts. En travaillant sur la notion de seuil, j’ai toujours fait en sorte de suggérer un ailleurs sans vraiment le nommer, un monde parallèle qui nous attire sans que nous puissions y accéder. La présence des couleurs est le signe d’une réconciliation : cet espace n’est plus fantasmé mais désormais réel, présent dans nos cœurs et abrite les êtres chers disparus. Les lueurs deviennent alors comme autant de preuve de leur existence. Le soleil en disparaissant et en revenant nous enseigne que tout ce qui nous quitte finit par nous revenir. La mélancolie du coucher de soleil, laisse place au réconfort de l’aube. J’ai voulu montrer ce cycle…

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