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CORRIDOR ELEPHANT

L’IMPRIMERIE OÙ L’EXCELLENCE N’EST PAS UNE OPTION



Cent quarante ans et toujours en activité. Point de retraite à l’horizon. Entre cette imprimerie d’art et les artistes du monde entier, c’est une affaire qui dure.

L’exception se drape toujours de discrétion. L’imprimerie IDEM nichée dans le quartier de Montparnasse n’est pas visible depuis la rue. Au numéro indiqué, au-dessus de la lourde grille d’entrée, on peut lire « E. Dufrenoy, imprimeur-lithographe » ; un petit passage mène à une double porte en acier avec un panneau IDEM Paris ultra simple.

Christophe Billard, président des amis d’IDEM, est un guide précieux. Au sein de cette imprimerie depuis quelques années seulement, il possède l’histoire du lieu et les anecdotes comme s’il était là depuis sa création en 1881 par Emile Dufrenoy. Quelle coïncidence, c’est l’année de naissance de Pablo Picasso !


Depuis, il s’en est passé des choses !

On rembobine. Émile Dufrenoy et sa cinquantaine d’employés réalisent des affiches, documents administratifs, lithographies essentiellement pour les entreprises et les industries. À partir des années 30, l’imprimerie est occupée par les Éditions Michard spécialisées dans les cartes géographiques. Puis l’imprimerie Mourlot vient occuper les lieux. Fernand Mourlot va donner une impulsion à la lithographie et attire tous les grands maîtres comme Picasso, Matisse, Miro, Chagall, Léger, Cocteau et beaucoup d’autres.

C’est bien leurs âmes qui habitent le lieu. Et pas seulement. Les murs de la cage d’escalier « dans son jus » sont tapissés d'affiches des expositions de tous ces artistes incontournables. Certaines totalement incrustées dans les murs feraient exploser le prix du mètre carré si le lieu était à vendre ! Ce qui n’est absolument pas envisageable. Trop de talents côté imprimerie et côté artistes perpétuent l’atmosphère inégalée du lieu. En 1997, IDEM, acronyme de l’imprimerie de Montparnasse, s’affiche sur la porte de cet atelier de mille quatre cent mètres carrés.



Un lieu de transmission

La porte franchie, l’odeur des encres, celles des sept presses est aussi impressionnante que les murs où sont rangées, du sol au plafond, toutes les pierres lithographiques. Toutes les tailles, toutes les époques, toutes numérotées ; toutes sont la trace des artistes comme Peter Lindbergh, Marjane Satrapi, Jean-Michel Alberola, Ivan Messac, Nicolas Vial, Paul McCarthy, Vhils, Obey etc… ; impossible d’en faire la liste. Leurs œuvres existent grâce à la délicatesse, la passion des maîtres imprimeurs. Passeurs de leurs précieux savoir-faire, ils sont attachés à cet atelier connu dans le monde entier pour la qualité de ses lithographies et livres d’art. Toutes les réalisations sont uniques. Les pierres utilisées pour les dessins proviennent de mines de calcaires situées dans les pays de l’Est. Elles sont parfois recyclées grâce à un grainage à base d’eau et de sable qui efface le dessin et permet d’en graver un autre.


Quand l’histoire encourage la création

Les artistes de toutes origines apprécient le calme presque studieux pour quelques jours, quelques semaines, quelques mois des espaces qui leur sont dédiés. David Lynch qui fréquente IDEM pour travailler ses livres ou ses lithographies se trouve encouragé entre ces murs. Chaque œuvre produite enrichit le patrimoine d’IDEM.

Au 1er étage, des stocks de lithos, un artiste ukrainien au travail, une presse du graveur Piero Crommelynck qui a tiré bon nombre d’œuvres de Picasso et tout au fond une spacieuse chambre noire où l’assistant d’Henri Cartier-Bresson travaille à former de jeunes photographes. Transmission encore.



Entretenir les dialogues, perpétuer l’histoire

L’association des amis d’IDEM a été créée avec cette volonté de faire vivre la mémoire de cet atelier parisien où l’excellence n’est pas une option. Les soirées organisées par le président Christophe Billard et Corinne Cossé-le-Grand sont le reflet des rencontres humaines, des échanges, des dialogues qui existent dans l’imprimerie depuis cent quarante ans.

Chaque mois, un invité issu de la sphère artistique, culturelle, vient partager son expérience, parler de son actualité. Suivent des échanges informels avec un public amateur, professionnel, curieux. Ce sont des parenthèses hors du temps, au milieu des machines, des pierres, des œuvres, des effluves d’encres.

Jean-Michel Alberola a offert un moment suspendu avec la projection de son film KOYAMARU tourné au cœur d’un minuscule hameau japonais. Des échanges, des silences, un rythme calé sur celui de cette enclave paysanne.

Une fois suivante, Nicolas Vial, dessinateur de presse, peintre de la marine, qui a un lien émotionnel avec IDEM et l’humour au bout des feutres. Il a rendu le moment désopilant avec des anecdotes savoureuses autour des thèmes qui lui sont chers, la marine et les chats de Venise.

Un autre invité passionnant. Stéphane Lambert, romancier, poète, essayiste. Inclassable et souhaitant le rester, il a écrit sur des artistes en utilisant le prisme du processus de création. Un grand talent reconnu par ses pairs et ses lecteurs.

L’association des amis d’IDEM est une belle fenêtre sur l’histoire passée, présente et future de cet endroit tout simplement magique.





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