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ELISE ROCHARD

Ma démarche photographique oscille entre la narration et le reportage, sans pour autant me réclamer d’une intégrité documentaire. Mes propositions photographiques métaphoriques et sociologiques évoluent autour des thèmes des frontières, de l’identité, de l’intériorité, de l’invisible, de l’inconscient et de la temporalité.
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Lentement, tombe le soleil

L’horreur de ne pas se souvenir de sa vie, de ses proches, d’avoir aimé et d’avoir été aimé: ce fut le sort de mes grands-mères atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Quelle oppression peut ressentir une personne portant cette maladie avec pour seul repère une carte incomplète, incorrecte, floue ? L’égarement devient peu à peu sa condition et lorsqu’il n’y a plus de conscience, la peur et la souffrance psychique s’envolent-elles?

Depuis trois ans j’élabore un livre d’une centaine d’images sur la dégénérescence cérébrale qui entraîne la perte de repères spatio-temporels et qui contraint à la solitude extrême. La distorsion des connaissances du sujet fait naître chez lui de nouvelles frontières incompatibles, rentrant en conflit avec celles qui régissent son quotidien, son rapport à l’autre et au monde. Cet état où la lucidité ne fait que s’éloigner irrémédiablement, où le lieu familier lui donne une impression de déjà-vu sans pourtant être en capacité de nommer quoi que ce soit, ni les lieux ni les gens, car les époques se mélangent en le jetant sans préambules dans un gouffre vertigineux de solitude.

Il s’agit de parler d’un être dévasté, qui cherche obstinément à se frayer un chemin dans des paysages qu’il croit reconnaître, qui revient cycliquement aux mêmes points, si vite transformés, qui ont un vague lien dans leur forme mais plus dans leur fond. C’est une course folle qui se répète, une journée sans fin où il on ne sait plus ce qu’il cherche, où il se perd dans la nuit, où il s’effraie devant son ombre, où il croit voir, où il mélange. Sans continuité temporelle, l’identité d’un sujet ne peut exister. Cette maladie anéantit peu à peu sa personnalité, son identité. Le refuge n’existe ni dans un lieu ni dans son intériorité.

Comment peut-on avoir le sentiment d’habiter un espace alors même qu’on n’habite plus dans sa propre conscience? Pour le monde extérieur le malade est son propre prisonnier, mais il est également le créateur d’une réalité parallèle et immédiate qui lui appartient.

Cette série photographique poétique sur la déconstruction cognitive a pour objectif de mettre en relief les frontières entre les perceptions d’un sujet «sain» et l’égarement lié à la maladie, en abordant la notion d’identité mnésique.

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